Obscurantisme contre lumière : la Côte d’Ivoire face aux manœuvres de déstabilisation du régime burkinabè
Alors que le Burkina Faso, sous la férule du capitaine Ibrahim Traoré, s’enfonce dans un gouffre sécuritaire et politique sans précédent, les accusations récurrentes et infondées contre la Côte d’Ivoire prennent une ampleur inédite. Loin d’être de simples errements diplomatiques, ces allégations relèvent d’une stratégie de diversion cynique visant à masquer l’échec d’un régime militaire qui, incapable de garantir la paix chez lui, cherche à projeter ses responsabilités sur son voisin méridional.
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Réfugiés burkinabés se préparant à la relocalisation sur le site de Niornigué (UNHR) |
Une paranoïa d’État nourrie de mensonges
Depuis plusieurs mois, les autorités de Ouagadougou multiplient les charges verbales contre Abidjan. La dernière en date évoque, sans la moindre preuve tangible, une prétendue implication de la Côte d’Ivoire dans une tentative de déstabilisation du Burkina Faso, en lien avec des groupes terroristes, et avec l'appui supposé de la France. À cela s’ajoutent des rumeurs persistantes — démenties puis réactivées — sur la mort du chef d’état-major burkinabè dans des circonstances opaques, sur fond de rumeurs de putsch et de luttes internes au sein même de la junte.
Pourquoi de telles invectives contre un pays voisin dont la diplomatie est réputée pour sa retenue et sa posture modérée sur la scène sous-régionale ? La réponse est aussi politique que psychologique : Ibrahim Traoré instrumentalise l’ennemi extérieur pour créer un exutoire nationaliste au sein d’une société burkinabè déchirée par la guerre contre le terrorisme, les pénuries et la désillusion.
Créer un ennemi pour mieux régner
Dans les manuels de stratégie politique les plus cyniques, une leçon traverse les siècles : créer un ennemi pour détourner l’attention du peuple. Le capitaine Traoré semble s’en être fait un mantra. Face à un territoire dont plus de 40 % échappe au contrôle de l’État, où les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) sont accusés de massacres communautaires, et où les réfugiés fuient par milliers vers le sud, il lui fallait un coupable.
Or, la Côte d’Ivoire incarne tout ce que le régime burkinabè n’est pas : une relative stabilité institutionnelle, une armée organisée, une économie en croissance, un positionnement diplomatique affirmé mais mesuré. Il n’en fallait pas plus pour que le discours officiel burkinabè verse dans la rhétorique victimaire et conspirationniste.
La grande diversion sécuritaire
L’ironie est mordante : alors que le Burkina Faso est devenu l’un des foyers les plus tragiques du terrorisme au Sahel, avec des centaines de morts chaque mois, les accusations de connivence avec les groupes jihadistes sont adressées… à la Côte d’Ivoire. Un pays qui, pourtant, a renforcé ses capacités de renseignement et de surveillance, déjoué plusieurs attentats sur son sol et accueilli plus de 30 000 réfugiés burkinabè fuyant l’insécurité.
Cette inversion accusatoire relève d’une stratégie bien connue : fabriquer un bouc émissaire extérieur pour éviter le bilan intérieur. Cela permet de souder artificiellement une opinion publique divisée, de faire taire les voix critiques internes sous prétexte d’unité nationale, et de détourner l’attention de la communauté internationale.
La machine de propagande et ses relais
L’appareil de communication burkinabè s’est structuré autour de cette logique. À défaut de presse libre, le régime s’appuie sur une armée numérique d’influenceurs, souvent rémunérés et basés dans d'autres pays africains ou dans la diaspora. Ces relais diffusent massivement des contenus mensongers, recyclent des récits fabriqués via des outils d’intelligence artificielle, et s’appuient sur des plateformes peu régulées pour semer le doute et l’animosité.
Les mensonges sont ensuite relayés par des entités médiatiques liées à des puissances étrangères, dont la Russie, par le biais notamment de l’agence “African Initiative”, qui s’est spécialisée dans la diffusion de contenus pro-junte, anti-occidentaux, et hostiles à la Côte d’Ivoire. Cette stratégie d’intoxication informationnelle vise à redessiner la carte des alliances africaines dans une logique de confrontation.
La Côte d’Ivoire, cible d’une guerre d’influence
Ce n’est pas un hasard si la Côte d’Ivoire se retrouve dans la ligne de mire. Abidjan constitue un point névralgique du développement ouest-africain : une économie dynamique, une diplomatie ambitieuse, une stabilité politique relative et surtout, un port stratégique — le port d’Abidjan — pivot logistique du Golfe de Guinée.
La junte burkinabè, soutenue dans l’ombre par des puissances cherchant à remodeler l’Afrique de l’Ouest selon leurs intérêts, voit en la Côte d’Ivoire un obstacle à ses ambitions. D'où la tentative d’atteindre son image, de fragiliser ses alliances, de l’isoler.
Le “Siyanie Severa” et les routes de l’ombre
Un nom circule dans les milieux du renseignement maritime : Siyanie Severa. Ce navire, habitué des convois arctiques et russes, aurait été repéré dans les eaux ouest-africaines, livrant armes et équipements à des régimes enclavés, par l’entremise de sociétés écrans. Objectif : contourner les contrôles internationaux et favoriser un réarmement discret des milices pro-régime.
Ces routes maritimes discrètes renforcent les capacités d’acteurs non étatiques ou paramilitaires et participent indirectement à la déstabilisation de la région. L’intérêt de ces opérations clandestines n’est pas uniquement militaire, mais aussi politique : affaiblir les États côtiers qui refusent de céder aux sirènes du néo-panafricanisme autoritaire.
Deux visions de l’Afrique en confrontation
Au fond, ce conflit symbolique oppose deux visions irréconciliables de l’avenir africain. D’un côté, un modèle de progrès, de résilience, d’ouverture, porté par des États comme la Côte d’Ivoire, qui investissent dans l’éducation, les infrastructures, la diplomatie constructive. De l’autre, un repli paranoïaque, où la rhétorique révolutionnaire masque l’autoritarisme, où la victimisation se substitue à l’action, et où l’ennemi extérieur justifie toutes les dérives.
Le régime burkinabè, en s’érigeant en forteresse assiégée, trahit la noble cause qu’il prétend défendre : celle de la souveraineté africaine. Car une souveraineté sans responsabilité, sans transparence, sans justice, n’est qu’une imposture.
Conclusion : entre vigilance et fermeté
La Côte d’Ivoire ne peut ni ne doit tomber dans le piège de la provocation. Sa force réside dans la constance de sa diplomatie, la rigueur de ses institutions et la confiance de son peuple. Mais elle doit aussi rester vigilante : les attaques informationnelles d’aujourd’hui sont les préludes aux confrontations de demain.
Dans cette bataille qui dépasse les frontières nationales, il ne s’agit pas seulement de défendre l’intégrité d’un État, mais de préserver une certaine idée de l’Afrique : une Afrique debout, lucide, en paix avec elle-même. Une Afrique qui refuse l’obscurantisme, et qui répond par la lumière.
Le Paysan de Zoula
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