Mali : Dissolution des partis politiques, interdiction de toute activité politique — une dérive autoritaire dénoncée par l’opposition

Bamako, 13 mai 2025. Dans un contexte déjà marqué par une crispation croissante des libertés publiques, le gouvernement de transition au Mali a franchi un nouveau cap dans sa volonté de centraliser le pouvoir en annonçant, ce lundi 13 mai, par décret, la dissolution de tous les partis politiques ainsi que l’interdiction formelle de toute activité à caractère politique sur l’ensemble du territoire national. Une décision unilatérale qui a immédiatement soulevé un tollé, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, ravivant les inquiétudes d’un glissement autoritaire sans précédent dans l’histoire contemporaine du Mali post-démocratique.

Me Mountaga Tall,

Un décret qui fait l’effet d’un séisme politique

Le décret présidentiel, signé par les autorités de transition, stipule que "dans l’intérêt supérieur de la nation et pour préserver la stabilité et la cohésion nationale, toute activité politique est suspendue jusqu’à nouvel ordre", sans donner de calendrier précis quant à une éventuelle reprise du jeu politique pluraliste. La dissolution des partis est motivée par ce que les autorités qualifient d’"instrumentalisation de la démocratie à des fins de division, de désinformation et de sabotage de la refondation nationale".

Si le pouvoir affirme vouloir "assainir" l’espace public en vue d’un "renouveau républicain", les observateurs avertis y voient surtout une mise entre parenthèses brutale des principes élémentaires de la démocratie.

Une réaction immédiate et ferme de la société civile

Moins de deux heures après la publication du décret, plusieurs figures emblématiques de la société civile, des constitutionnalistes et d’anciens responsables politiques ont dénoncé une décision anticonstitutionnelle, appelant les citoyens à rester mobilisés, pacifiquement, pour préserver les acquis démocratiques chèrement obtenus au prix de plusieurs décennies de lutte.

Dans une déclaration sobre mais déterminée, rendue publique ce 13 mai en fin de journée, un acteur politique de premier plan a posé les termes du débat de façon incisive :

"Interdire toute activité politique n’est-elle pas en soi une façon de faire la politique en s’en attribuant l’exclusivité ? Dissoudre les partis politiques n’est-elle pas une violation manifeste de la Constitution et une façon d’attenter à la cohésion nationale ?"

Et de poursuivre, dans un style direct qui tranche avec les précautions langagières habituelles :

"Nous ne l’acceptons pas. Nous disons : NON ! Aucune menace d’atteinte à mon intégrité physique ou morale n’y changera rien. Aucune rumeur malveillante distillée sur un deal imaginaire pour ma nomination à la Primature non plus. Je n’en suis ni demandeur, ni preneur. Notre seul combat : le Mali !"

Une confiscation du politique sous couvert de neutralité

En vérité, l’interdiction de la politique est un acte profondément politique en soi. En neutralisant le pluralisme, en réduisant au silence les forces organisées d’opposition et en éteignant toute possibilité de contradiction publique, les autorités de transition semblent vouloir instaurer un monopole d’État sur la parole publique. C’est un renversement du sens même de la démocratie : celle-ci suppose, non pas l’unanimité imposée, mais la coexistence structurée des désaccords.

Comme le rappelle un professeur de droit constitutionnel de l’Université de Bamako, contacté par nos soins :

"La Constitution malienne reconnaît explicitement le rôle des partis politiques dans l’expression du suffrage et l’organisation du débat public. Leur dissolution sans fondement judiciaire constitue une violation grave de la norme fondamentale."

La transition malienne à la croisée des chemins

Depuis la prise du pouvoir par l’armée en août 2020, suivie d’un second coup de force institutionnel en mai 2021, le Mali vit sous un régime d’exception prolongé, ponctué de promesses de retour à l’ordre constitutionnel régulièrement repoussées. Malgré la rédaction d’une nouvelle Constitution adoptée par référendum en 2023, aucune élection présidentielle ou législative n’a été organisée, et les engagements initiaux envers la CEDEAO ont été, de facto, abandonnés.

La dissolution des partis politiques s’inscrit dans une série de décisions qui traduisent une fermeture progressive de l’espace civique et démocratique : suspension des activités des ONG internationales, répression des journalistes indépendants, arrestations d’activistes, surveillance accrue des réseaux sociaux…

Une décision qui pourrait être soumise à la censure du droit

Plusieurs juristes envisagent de saisir la Cour suprême ou la Cour constitutionnelle, bien que l’indépendance de ces institutions reste sujette à caution dans le contexte actuel. Un recours international auprès de la Cour africaine des droits de l’homme ou du Comité des droits de l’homme des Nations Unies est également à l’étude.

Dans un communiqué distinct, un collectif d’avocats rappelle que :

"La dissolution des partis, sans jugement, sans débat contradictoire, sans possibilité de recours, constitue une atteinte grave à la liberté d’association garantie par la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples à laquelle le Mali est partie."

Une société civile déterminée, malgré les risques

Face à cette dérive, la mobilisation citoyenne s’organise en ligne et dans les cercles universitaires. Des appels à la résistance pacifique émergent, notamment parmi la jeunesse urbaine, consciente que l’effacement de la pluralité politique ouvre la voie à l’arbitraire permanent.

Il est à noter que plusieurs figures engagées ont d’ores et déjà exprimé leur refus catégorique d’être instrumentalisées par le pouvoir en place. Les accusations de compromission, les campagnes de désinformation, les rumeurs de nominations pour acheter le silence des voix discordantes ne semblent pas entamer leur détermination. L’un d’eux le dit clairement :

"Je n’en suis ni demandeur, ni preneur. N’en déplaise aux marchands de fake news."

Et maintenant ?

Le Mali, dont le peuple a toujours su puiser dans son histoire millénaire des ressources de résilience et de dignité, se retrouve aujourd’hui à un carrefour déterminant. L’autoritarisme rampant, déguisé en volonté de stabilité, ne saurait constituer un avenir viable. En l’absence d’un sursaut démocratique, la défiance risque de se transformer en rupture.

Le combat pour la restauration d’un espace politique libre, pluraliste et respectueux de la Constitution est désormais engagé. Dans cette bataille pacifique mais déterminée, ceux qui disent "NON" ne défendent pas seulement des partis dissous : ils défendent l’essence même de la République.

"La démocratie, ce n’est pas la soumission des citoyens au pouvoir, mais celle du pouvoir aux citoyens."

Bamako n’a pas encore dit son dernier mot.

Le Paysan de Zoula 

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