Le Mali à l’épreuve : chronique d’une République en asphyxie

Le 13 mai 2025 restera gravé dans l’histoire du Mali comme le jour où la junte militaire, dirigée par le général Assimi Goïta, a franchi un nouveau seuil dans sa dérive autoritaire. Par un décret présidentiel, tous les partis politiques et organisations à caractère politique ont été dissous, et leurs activités interdites. Cette décision, annoncée à la télévision nationale, marque une étape supplémentaire dans l'érosion des institutions démocratiques du pays .

Assimi Goïta

Une démocratie méthodiquement démantelée

Depuis le double coup d'État de 2020 et 2021, le Mali est dirigé par une junte militaire qui a progressivement consolidé son pouvoir. Les promesses initiales de transition démocratique ont été repoussées à maintes reprises, et les échéances électorales sans cesse reportées. La dissolution des partis politiques s'inscrit dans cette logique de concentration du pouvoir entre les mains de la junte .

Cette mesure intervient après une série de décisions controversées, notamment la suspension des activités politiques le 7 mai 2025, justifiée par des raisons d'ordre public. En réalité, cette suspension visait à empêcher les manifestations prévues par l'opposition pour dénoncer la prolongation de la transition et la suppression des partis politiques .

Un climat de répression et de peur

La dissolution des partis politiques s'accompagne d'une répression accrue des voix dissidentes. Des militants pro-démocratie, tels qu'Alassane Abba du parti Codem et El Bachir Thiam du parti Yelema, ont été enlevés par des hommes en uniforme militaire après avoir critiqué publiquement le régime et appelé à un retour à l'ordre constitutionnel . Ces enlèvements, ainsi que d'autres arrestations arbitraires, ont créé un climat de peur et de silence dans le pays.

La liberté de la presse est également mise à mal. Le 14 mai 2025, la Haute Autorité de la Communication a suspendu la diffusion de la chaîne française TV5 Monde, accusée de couvrir les manifestations de manière partiale. Cette décision s'inscrit dans une série de mesures visant à restreindre l'accès à l'information et à contrôler le récit médiatique .

Une opposition muselée, une société civile fragilisée

Face à cette répression, l'opposition politique est réduite au silence. Les manifestations sont interdites, les partis dissous, et les leaders politiques traqués. La société civile, quant à elle, tente de résister, mais ses marges de manœuvre se réduisent de jour en jour. Des voix s'élèvent pour dénoncer cette dérive autoritaire, mais elles sont rapidement étouffées par la peur des représailles.

Des experts indépendants mandatés par le Conseil des droits de l'homme des Nations unies ont appelé la junte à abroger immédiatement le décret suspendant les activités des partis politiques et des associations, soulignant que cette mesure viole les droits fondamentaux des citoyens maliens .

Une communauté internationale préoccupée, mais impuissante

La communauté internationale observe avec inquiétude l'évolution de la situation au Mali. Des organisations telles que Human Rights Watch ont exhorté l'Union africaine à prendre des mesures pour mettre fin à la répression de l'opposition politique et de la dissidence . Cependant, les réactions restent timides, et la junte continue de consolider son pouvoir sans réelle opposition extérieure.

Un avenir incertain pour le Mali

La dissolution des partis politiques et la répression des voix dissidentes plongent le Mali dans une période d'incertitude. La transition démocratique semble plus éloignée que jamais, et le pays risque de s'enfoncer davantage dans l'autoritarisme. La société civile, bien que fragilisée, reste le dernier rempart contre cette dérive. Il est impératif que les forces démocratiques, tant au niveau national qu'international, se mobilisent pour défendre les droits fondamentaux et restaurer l'ordre constitutionnel au Mali.

Le Paysan de Zoula

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